Le point sur les sévices sexuels en Afrique

December 5th, 2011

… à l’occasion du 12ème anniversaire de la Journée Mondiale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes – Publié dans BLADA,com, enGuyane, par Lawoetey-Pierre AJAVON, le 4 décembre 2011.

… Mais, la position de la France si innovante qu’elle soit, ne doit pas faire oublier les sévices faits aux femmes dans les autres pays occidentaux, voire dans le reste du monde. D’ailleurs, d’après le rapport du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) de 2010, au moins une femme sur trois dans le monde a été maltraitée, battue ou contrainte à des rapports sexuels dans sa vie… Deux millions de filles âgées de 5 à 15 ans se retrouvent sur le marché du sexe chaque année.  

Qu’en est-il des sévices à l’égard des femmes en Afrique?

Bien que la clitoridectomie ne soit pas un phénomène typiquement africain – la médecine européenne l’utilisait aux 18ème et 19ème siècles pour soigner les cas d’hystérie de migraine et d’épilepsie – , lorsqu’on aborde cette problématique, les regards se tournent d’emblée vers l’Afrique sub-saharienne, qui a le triste et honteux privilège de partager avec le Proche-Orient et l’Asie, ce rite ancestral qui provoque chaque année plus de 3 millions de victimes selon l’Organisation Mondiale de la Santé qui observe également que l’Afrique est la plus touchée par les mutilations génitales féminines (MGF) sur 130 millions de femmes excisées dans le monde. Il faudra toutefois préciser que l’excision ne touche pas toutes les ethnies africaines. L’exemple sénégalais, de ce point de vue, est  assez révélateur : les Wolofs et les Sérères, les deux groupes ethniques dominants du Sénégal, ne s’adonnent pas à cette pratique qui demeure toutefois l’apanage des minorités telles que les Peuls, les Dioulas, les Toucouleurs et les Mandé. Quant à l’infibulation pharaonique, forme la plus douloureuse des MGF, elle concerne surtout la quasi-totalité de la Corne de l’Afrique (Somalie, Ethiopie, Erythrée, Djibouti, Soudan).

Aux sources pharaoniques de l’excision, la sauvegarde des coutumes ancestrales africaines:

Excision, infibulation, désensibilisation… Les mystères sont légion autour des origines précises et le sens profond de ces coutumes ancestrales, considérées par leurs défenseurs comme relevant des rites de passage à sauvegarder coûte que coûte, au nom du respect de certaines valeurs culturelles.

Aussi, tout récemment, un projet de loi gouvernemental prévoyant l’interdiction de l’excision en Ouganda a été vigoureusement combattu par les tenants de la tradition qui y voyaient une certaine « violation de leurs droits traditionnels » en vigueur depuis la nuit des temps. Ils s’appuient sur quelques recherches qui font remonter ce rituel aux origines pharaoniques, il y a trois mille ans, à une époque où il était associé à la fertilité, et où les parties excisées des femmes étaient offertes au Nil sacré. Dans son excellent ouvrage, La face cachée d’Eve  (Zed Press, Londres, 1980) l’anthropologue et historien Nawal El Saadawi observe que dès 700 av. J.C. Hérodote mentionnait déjà l’excision pharaonique. Quant aux mythes cosmologiques des pays de la Corne de l’Afrique, ils rapportent que l’infibulation pharaonique était pratiquée sur les femmes pour éviter qu’elles ne soient violées par les arabes lors des razzias. Les anthropologues qui tentent encore de nos jours d’élucider la diffusion de l’excision des bords du Nil en Afrique sub-saharienne avancent de plus en plus l’hypothèse de l’héritage des Ethiopiens ayant séjourné longtemps en Egypte. Par ailleurs, il est aujourd’hui attesté que ce phénomène est loin d’être originellement lié à l’Islam comme certains ont pu le penser pendant longtemps, se fondant, à tort ou à raison, sur ces paroles assez ambigües du prophète Mahomet s’adressant à l’exciseuse Um ATIYA : « […] N’opère pas de façon radicale…c’est préférable pour la femme ». Cependant, l’imputation des origines de l’excision à l’Islam est démentie par de nombreuses études, et parmi les ethnies qui s’y adonnent, on trouve aussi bien des musulmans, des chrétiens et des animistes. Les autorités religieuses n’affirment-elles pas elles-mêmes que ce rite va à l’encontre des préceptes du Coran et de la Bible ? L’Iman sénégalais des Oulémas, N’DIAYE, cherchant à rétablir la vérité sur cette tradition, précisait : « le prophète a dit que s’il fallait exciser les filles, il faut faire attention. Mais lui-même n’a jamais fait exciser ses filles. Il n’y a rien dans le Coran qui impose l’excision ». Dès lors, c’est vers les mythes cosmologiques, communs à la plupart des ethnies africaines que l’on pourrait se tourner pour expliquer l’origine de l’excision. En effet, d’après un mythe partagé par les Bena Lulua (Congo), les Bambara (Mali) les Peuls (Guinée), les Ejagam et les Eboki (Cameroun et Tchad), les Bandas (Centrafrique), le clitoris figurerait à la fois le sexe féminin et masculin. Aussi, pratiquer l’excision reviendrait à supprimer l’élément masculin du clitoris associé à un dard qui pourrait blesser le sexe de l’homme durant les relations sexuelles, voire causer la mort de ce dernier. Ce mythe est connu dans presque toute l’Afrique de l’Ouest sous le nom de « mythe des vagins dentés » qui pose que « le clitoris serait la dernière dent à supprimer ».

Néanmoins, si la mythologie tente de fournir des éléments explicatifs aux mutilations génitales en Afrique, les fonctions dévolues à ces pratiques varient selon les cultures et les ethnies. D’abord, en tant que rite de passage, la quasi-totalité des ethnies africaines pensent que l’excision, comme la circoncision chez les jeunes garçons, permet aux jeunes filles de changer de statut social et sexuel, passant de celui de « jeune fille » à l’enviable statut de « vraie femme », comme disent les Bambara qui suggèrent qu’ « asseoir une fille sur le couteau » (traduction littérale : exciser une fille) l’aidera plus tard à trouver un mari digne de ce nom. Aussi, un père n’encouragera pas outre mesure son fils à prendre pour femme une fille non excisée, au risque de voir cette dernière continuellement hantée par l’esprit des ancêtres, comme chez les Massaï et les Kisii du Kénya. Quant aux Soninké du Mali, ils estiment que ce rite permet aux jeunes filles de rester vierges et aux femmes éloignées de leur mari, de contrôler, à l’instar de l’infibulation (fréquente chez les tribus guerrières), leurs velléités sexuelles, et de réfréner leurs sensations libidinales. En somme, pour ses pratiquants, l’excision et l’infibulation feraient partie intégrante d’un processus à la fois culturel et éducatif, reposant sur un savoir-faire exclusif transmis de générations en générations. On insiste également sur sa fonction aussi bien socialisante que thérapeutique : elle permettrait aux femmes de rester fidèles à leur mari, « en leur garantissant un avenir sans problèmes », et réduirait le nombre de fausses couches, d’après certaines exciseuses maliennes et guinéennes.

L’excision en accusation : des points de vue contrastés chez les Africains: … (le long texte en entier).

Mon commentaire: je m’étonne que les colons blanc d’autrefois n’ont pas insisté assez pour éliminer ce fléau! Ils ont bien réussi à éliminer d’autres coutumes de leurs missionnés. Mais comme cette pratique est un des facteurs le plus puissant de soumettre, de rendre esclave la fillette d’une peur sournoise qui doit s’installer pendant cette procédure, les colons ont dû etre satisfait que le travail de soumission à déjà été fait par les noirs eux-mêmes. Tout le monde sait (ou devrait avoir compris): soumets les femmes et tu as quasiment soumis le peuple tout entier.

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